- BUDGETS FAMILIAUX
- BUDGETS FAMILIAUXLes budgets familiaux sont traduits par des tableaux donnant les dépenses moyennes annuelles par ménage pour de nombreuses catégories de population dans une nomenclature de consommation très détaillée. Ils enregistrent la totalité des dépenses des ménages, que ce soit des achats de biens et de services de consommation, des investissements ou des transferts. Ils fournissent ainsi une photographie du budget des ménages résidant en France, à un instant précis, ce qui en fait un instrument privilégié d’observation des niveaux de vie. Ces tableaux sont le résultat d’enquêtes par sondage réalisées sur d’importants échantillons (environ 12 000 ménages) afin d’assurer la fiabilité des données à un niveau fin de nomenclature.Ces enquêtes permettent des études instantanées et des comparaisons temporelles tant en termes de niveau qu’en termes de structure (coefficient budgétaire). Elles fournissent aussi des informations sur les caractéristiques socio-démographiques des ménages enquêtés et sur leur équipement. C’est l’Institut national de la statistique et des études économiques (I.N.S.E.E.) qui est chargé depuis les années 1950 de réaliser ce type d’opération.Aujourd’hui, ces enquêtes sont devenues un élément fondamental du débat social et leur utilisation dépasse largement les objectifs assignés à l’origine. Le calcul de la pondération de l’indice des prix et les estimations par produit dans une optique comptable ont peu à peu laissé place à l’étude des disparités de consommation entre catégories de population, à l’analyse du comportement et des modes de vie de sous-populations spécifiques (personnes âgées, immigrés...) ou à l’approche de phénomènes comme le chômage ou la pauvreté.1. HistoriqueLes premières enquêtes sur les conditions de vie, réalisées au cours du XIXe siècle, sont des monographies, orientées vers l’action sociale. Le Play (1806-1882) et ses disciples enquêtent sur de petits échantillons d’ouvriers et de paysans pour attirer l’attention sur les cas les plus «difficiles».Dans la première moitié du XXe siècle, les auteurs sont des économistes ou des statisticiens de profession. L’objectif essentiel est de fournir les coefficients de pondération d’indices de prix, pour les salariés urbains modestes. Aucune enquête n’étudie la population dans son ensemble. Les catégories supérieures sont le plus souvent exclues, ainsi que les isolés, les travailleurs indépendants et les ruraux. Le problème de l’échantillonnage des observations dans le temps n’est pas posé car toute idée de procéder à des estimations globales par produit est pratiquement absente.En 1951, l’I.N.S.E.E. réalise la première enquête sur les dépenses des ménages auprès d’un échantillon représentatif de la population française. Dès lors, l’exécution de ces enquêtes relève d’une organisation très importante: tirage aléatoire d’un échantillon représentatif, échantillonnage dans le temps, remplissage de carnets de compte. Lors du «programme d’investissements prioritaires» du Ve plan, l’I.N.S.E.E. met en place un système articulé d’enquêtes. L’enquête de cadrage «Budget de famille», désormais permanente, est complétée par des enquêtes spécialisées par fonction de consommation (alimentation, habillement, logement, transports, santé, loisirs, vacances).Le calcul des pondérations de l’indice des prix n’est plus la préoccupation majeure. Il s’agit davantage d’analyser les comportements monétaires et non monétaires des individus et des milieux sociaux et de fournir des estimations de consommation par produit pour répondre aux besoins de la Comptabilité nationale.Les profondes modifications survenues dans les années 1970, développement des grandes surfaces et individualisation des achats, conduisent à l’arrêt de ce type d’enquêtes. En 1979, une nouvelle série d’enquête quinquennale, mieux adaptée à l’observation de ces phénomènes, a été mise en place.2. Méthode d’enquêteL’échantillonnage dans l’espaceLes enquêtes sur les budgets familiaux sont réalisées auprès d’échantillons représentatifs de l’ensemble des ménages ordinaires. Ces ménages habitent des logements-échantillons tirés au sort dans une réserve de logements appelée «échantillon maître». L’échantillon maître, représentant environ un vingtième des logements recensés, est constitué après chaque recensement pour permettre à l’I.N.S.E.E. de réaliser la totalité de ses enquêtes. C’est un extrait de l’ensemble des logements du dernier recensement complété par les logements neufs construits depuis lors. L’échantillon maître est constitué selon la méthode statistique du tirage à plusieurs degrés et le calcul des probabilités, de façon à tenir compte de la structure du réseau des enquêteurs de l’I.N.S.E.E. et de leur charge de travail.L’échantillonnage dans le tempsÀ l’échantillonnage dans l’espace se superpose un échantillonnage dans le temps. L’observation effectuée auprès de chaque ménage ne porte pas sur une année entière, il faut donc assurer une répartition uniforme des enquêtes tout au long de l’année, afin de tenir compte des variations quelquefois importantes de certaines consommations avec la saison (fruits, légumes), la température (vêtements, combustible), l’influence des fins de mois ou des échéances contractuelles (loyer, impôts, E.D.F., etc.). Cette uniformisation est indispensable pour obtenir une évaluation correcte des consommations annuelles, autant que pour observer fidèlement l’ampleur de ces variations dans le courant de l’année.La période d’enquête a été divisée en huit «vagues» de six semaines chacune (exception faite de la première quinzaine d’août et de la dernière de décembre, où les enquêtes n’ont pas lieu). L’échantillon annuel est ainsi réparti en huit sous-échantillons d’effectif égal et de structure aussi identique que possible.La constitution du budgetPour construire le budget d’un ménage, deux méthodes sont combinées: la méthode de l’interview (avec questions rétrospectives) et celle des carnets de compte. Le choix de l’une ou l’autre de ces techniques dépend de l’importance et de la fréquence des dépenses:– les dépenses importantes, régulières, pour lesquelles il est possible de faire appel à la mémoire des enquêtés (loyer, impôts, etc.) sont saisies par interview sur des périodes de référence variables (deux mois, dernière quittance, l’année) par l’enquêteur lui-même;– par contre, les dépenses courantes, de faibles montants (alimentation, journaux, cigarettes, etc.), sont consignées par chaque membre du ménage de quatorze ans et plus sur un carnet de compte pendant quatorze jours. Toutefois, afin de ne pas gêner l’enquêté avec des consignes compliquées, celui-ci doit noter quotidiennement toutes ses dépenses quelles qu’elles soient. À l’exploitation, tous les montants de dépense sont extrapolés à l’année. Pour certaines dépenses, il existe donc deux sources possibles portant sur des périodes de référence variables. Quand elles existent, ce sont les informations en provenance des interviews qui sont privilégiées car elles sont en général de meilleure qualité; elles représentent environ 50 p. 100 des dépenses des ménages.La nomenclature de dépensesLe choix d’une nomenclature, c’est-à-dire son degré de détails et ses regroupements, conditionne la nature des résultats des études. La nomenclature utilisée dans l’enquête «Budget de famille» est dite fonctionnelle, c’est-à-dire que chaque fonction de consommation regroupe des biens complémentaires ou substituables qui concourent à la satisfaction d’un même besoin. Par exemple, dans le poste «transports» sont substituables l’automobile et les transports en commun. «Achats de véhicule», «frais d’utilisation» et «assurances» sont complémentaires.Les enquêtes européennesL’amélioration des niveaux de vie fait partie des objectifs de la C.E.E. Afin de comparer les niveaux de vie dans les différents pays de la Communauté, l’Office statistique des Communautés européennes (O.S.C.E.) a lancé, en 1956-1957 et en 1963-1964, en étroite collaboration avec les instituts nationaux, deux enquêtes sur les budgets familiaux. Ces enquêtes communautaires (même techniques, même questionnaires) se juxtaposaient aux enquêtes nationales. Le remplacement progressif des enquêtes nationales, souvent très spécifiques, par des enquêtes communautaires paraît peu réaliste; l’O.S.C.E. a donc décidé, à la fin des années 1970, d’opter pour l’harmonisation. L’unification des concepts, des nomenclatures et des dates d’enquêtes a donc permis de mettre en place à moindre coût un outil d’observation des niveaux de vie européens. Des publications communes aux pays de la C.E.E. sont éditées tous les cinq ans environ: 1979, 1985, 1989... (tabl. 1).3. Structure des budgetsAprès le ralentissement du début des années 1980, lié à la moindre hausse du revenu disponible, les dépenses des ménages ont retrouvé une croissance soutenue de l’ordre de 2,5 p. 100 par an.Au cours de l’année 1989, date de la dernière enquête sur les budgets familiaux, les ménages français ont dépensé en moyenne 12 800 francs par mois, pour acheter les biens et les services nécessaires à leur consommation, rembourser les prêts contractés pour l’acquisition d’une résidence principale ou secondaire et payer leurs impôts.En général, l’évolution des postes budgétaires est l’expression de la satisfaction de besoins hiérarchisés. Lorsque le niveau de vie croît, les besoins «primaires» comme manger ou se vêtir sont les premiers satisfaits et se saturent, les dépenses des ménages se portent alors sur des biens moins «nécessaires» comme les vacances ou les loisirs.Les résultats de 1989 (tabl. 2) confirment les grandes tendances évoquées précédemment: diminution de la part des dépenses d’alimentation et d’habillement, et augmentation de celle des loisirs et des vacances. De même, l’essor du poste «logement» enregistré en 1985 se poursuit.Les dépenses inhérentes au logement occupaient, en effet, 29 p. 100 du budget. En 1989, les seules dépenses d’occupation du logement (loyer, charges, remboursements de prêts, travaux, énergie et taxes) représentaient presque le premier poste budgétaire (20,5 p. 100). À cela, deux raisons principales: l’attrait de la maison individuelle incite les ménages à accéder à la propriété même en période peu favorable et l’amélioration générale du confort des logements se répercute à la fois sur le prix des logements, le montant des locations et celui des charges.L’alimentation a perdu sa place prépondérante dans le budget. Dans les premières études sur le mode de vie des ouvriers au siècle dernier, les dépenses alimentaires représentaient plus de la moitié de leur budget. Aujourd’hui, elles en constituent à peine un cinquième. Il faut toutefois distinguer alimentation à domicile (16,9 p. 100) et consommations et repas pris à l’extérieur (3,7 p. 100). Ces derniers progresseront vraisemblablement dans les années à venir avec la pratique de la journée continue et le développement de l’activité féminine.La tendance des dépenses de transport est à la hausse. Les Français manifestent toujours un intérêt soutenu à l’égard de l’automobile: plus de 90 p. 100 des dépenses de transport sont consacrées soit à son achat, soit à son entretien. Toutefois, en 1989, les dépenses de transport ont pris moins de place dans le budget du fait de la baisse du prix des carburants.De façon générale, la réduction de la part de l’énergie dans le budget 1989 (la clémence de l’hiver a aussi réduit les dépenses de chauffage) a favorisé l’augmentation de la part consacrée aux loisirs et à l’équipement du logement, dépenses très sensibles aux aléas conjoncturels.Pour rendre compte des variations de structures budgétaires, il est difficile d’isoler arbitrairement un seul facteur explicatif, c’est une multitude de facteurs, d’ailleurs non indépendants, qu’il faut retenir.Mais, avant toute analyse, l’effet de la taille du ménage doit être neutralisé. D’ailleurs, les résultats publiés sont quelquefois des consommations par personne mais plus souvent des consommations par unité de consommation. Il est en effet plus pertinent d’affiner selon la composition du ménage. Pour cela, les dépenses de consommation et le niveau de vie sont rapportés au nombre d’unités de consommation (U.C.) du ménage.Les unités de consommation utilisées dans les budgets familiaux sont un système de pondération de chaque membre du ménage, issu de l’échelle d’Oxford.On attribue le poids 1 à la personne de référence du ménage, 0,7 aux autres adultes et 0,5 aux enfants de moins de quinze ans. Ainsi, un ménage formé d’un couple et d’un enfant de trois ans comptera pour 2,2 U.C. (1 + 0,7 + 0,5).Le niveau des ressources est un facteur déterminant dans le domaine budgétaire, car il conditionne le montant global des dépenses. Au fur et à mesure que se desserre la contrainte budgétaire, la structure du budget se déforme. Mais les différentes structures budgétaires ne sont pas seulement le fait de l’inégalité des ressources. Elles varient aussi selon le cycle de vie et la position sociale.Les personnes seules de moins de trente-cinq ans ont une structure budgétaire qui reflète leur mode de vie tourné vers l’extérieur: majoritairement locataires de leur logement, mangeant souvent au restaurant, elles consacrent une part importante de leur budget aux dépenses de culture et de loisirs. L’installation des jeunes couples marque un premier investissement dans l’univers domestique. L’équipement du logement et l’automobile prennent de l’importance. La télévision commence à remplacer les sorties. Pour faire face aux charges d’entretien et d’éducation des enfants, les ménages réduisent les dépenses d’habillement, de soins de beauté de l’épouse, de mobilier et d’électroménager ainsi que celles de repas pris au restaurant et de vacances. À l’extrémité du cycle de vie, les revenus faibles et les effets du vieillissement se traduisent par des budgets marqués par la nécessité. Les dépenses de santé, d’alimentation et de logement avoisinent 75 p. 100 du budget.Perpendiculairement à cette trame constituée par les différentes étapes du cycle de vie se tissent des déformations budgétaires liées à la position sociale de la personne de référence (tabl. 3).L’approche économétriqueLes premières analyses statistiques du comportement budgétaire des ménages furent réalisées par Engel en 1857. Ses travaux montrèrent que le montant des ressources d’un ménage imprime à ses consommations des déformations régulières. C’est en mettant en rapport le revenu du ménage et la proportion des dépenses consacrée à la nourriture qu’Engel formule sa principale loi caractérisant le comportement du consommateur: «la proportion des dépenses de nourriture diminue quand le revenu augmente».La formalisation des lois d’Engel, c’est-à-dire la représentation algébrique de la liaison entre consommation et revenu, met en œuvre des modèles différents selon les produits étudiés.Les modèles les plus couramment utilisés sont de la forme:Il existe, toutefois, un indicateur plus synthétique de la liaison entre le revenu et la consommation. C’est l’élasticité. Celle-ci mesure la sensibilité d’un poste de consommation à une variation de revenu. C’est le rapport de l’accroissement relatif de la consommation d’un produit à un accroissement relatif du niveau de vie. Par exemple, l’alimentation a une élasticité de 0,46, ce qui signifie que, quand le niveau de vie s’accroît de 1 p. 100, l’ensemble de la consommation alimentaire ne s’accroît que de 0,46 p. 100.
Encyclopédie Universelle. 2012.